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Sur l’auteur

Le Dr. Quir est pasteur responsable de l’Eglise Evangélique de l’Alliance à Davao City, depuis 2003. Il était ordonné comme pasteur par les Eglises de l’Alliance Chrétienne aux Philippines (CAMACOP, Inc.). Les seize ans de sa grande expérience dans le ministère incluent l’enseignement, le pastorat, et la formation de dirigeants. Son expérience dans la mission à court terme était gagnée en Malaisie, au Brunei et en Thaïlande. En 2003, il a fait un doctorat en théologie (Th. D.) avec spécialisation en théologie systématique. Il est marié avec Rosalinda, et ils ont deux enfants.

 

Une théologie du 21e siècle pour un ministère qui transforme, basée sur le sacerdoce biblique de tous les croyants. Le ministère chrétien a, dans tous les domaines, besoin d’une saine base théologique. C’est pourquoi, comme pasteur responsable de l’Eglise de l’Alliance à Davao City, j’essaie de faire une synthèse [des opinions théologiques actuelles] et de formuler une théologie du ministère du 21e siècle, qui pourra servir de guide dans l’accomplissement de la mission de l’Eglise. Le caractère absolu de la vérité biblique exige une formulation qui correspond au contexte de la communauté des croyants. Une théologie saine déterminera alors la pratique du ministère capable de produire des transformations. La théologie du ministère du 21e siècle trouve son origine dans la théologie biblique du sacerdoce de tous les croyants. La Bible, l’Ancien comme le Nouveau Testament, permet de découvrir l’identité et les fonctions historiques du peuple élu de Dieu. Au fond, l’identité et les fonctions ministérielles du peuple de Dieu se situent dans le sacerdoce des croyants.

 

La base de la théologie du ministère dans l’Ancien Testament

Exode 19 :5-6 dit : « Maintenant, si vous écoutez ma voix, et si vous gardez mon alliance, vous m’appartiendrez entre tous les peuples, car toute la terre est à moi ; vous serez pour moi un royaume de sacrificateurs et une nation sainte. Voilà les paroles que tu diras aux enfants d’Israël. » Ici, Dieu fait une alliance avec tout le peuple d’Israël. Selon ce texte, il semble que le peuple devient « la possession de Dieu », choisi pour Le servir.

La nature du service était liée au fait que « toute la terre » est au Seigneur. Alors, dans l’intérêt des royaumes et des nations du monde, Israël, du milieu de tous les peuples, était appelé à servir comme « royaume de sacrificateurs » et comme « nation sainte ». Dieu a institué le sacerdoce d’Israël comme une unité choisie pour servir le monde. Voilà, la vocation du « peuple de Dieu », dont chaque membre est appelé par Dieu et responsable de sa réponse envers Lui.

Un autre passage important de l’Ancien Testament, qui supporte l’idée du sacerdoce de tout le peuple de Dieu, est Esaïe 61:5-6. Il dit :

Des étrangers seront là et feront paître vos troupeaux, des fils de l’étranger seront vos laboureurs et vos vignerons. Mais vous, on vous appellera sacrificateurs de l’Eternel, on vous nommera serviteurs de notre Dieu ; vous mangerez les richesses des nations, et vous vous glorifierez de leur gloire.

Ici, le peuple de Dieu tout entier, tous les Israélites, sont appelés à êtres prêtres de Dieu. Comme nation, Israël est enrôlé pour être un royaume de prêtres, c'est-à-dire, pour servir Dieu.

Cependant, au temps de la monarchie, il se produit un changement dans le concept du sacerdoce de l’Ancien Testament, menant à une distinction nette entre la classe des prêtres et le peuple. Dans ce contexte, le roi est le premier responsable et, sous sa direction, les prêtres deviennent responsables des affaires religieuses.

Cette époque voit naître les pratiques rituelles et l’organisation du culte qui étaient propagées, à partir du temple jusqu’aux autres lieux de culte. Par conséquent, le chef de famille perd son ancien droit d’offrir des sacrifices. Mais les passages cités plus haut indiquent que la première intention de Dieu était que le peuple tout entier soit un royaume de prêtres (Exode 19 :5-6 ; Esaïe 61 :6). Dieu avait institué le sacerdoce lévitique pour représenter tout le peuple, quant à l’honneur, aux privilèges, et aux responsabilités.

 

La base de la théologie du ministère dans le Nouveau Testament

Comme un écho des passages de l’Ancien Testament cités plus haut, 1 Pierre 2:9 dit : « Vous, au contraire, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière ». Le peuple de Dieu, comme dit le texte, est un « sacerdoce royal », sans distinction claire entre dirigeants et membres de la communauté. En outre, le texte parle d’un corps unifié de gens qui croient en Christ.

Les versets 4 et 5 de 1 Pierre donnent l’arrière-plan de l’idée d’un sacerdoce universel. Evidemment, le texte parle d’une communauté spirituelle qui constitue le nouveau peuple d’Israël, le seul vrai sacerdoce. Le texte ci-dessus parle clairement du Christ ressuscité qui est cette « pierre vivante ». Christ bâtit autour de lui une « maison spirituelle » composée de ceux qui exercent la foi comme des « pierres vivantes », qui deviennent le nouveau « sacerdoce ». [13] Paul exprimant une idée semblable, parle du corps de Christ comme du « temple de Dieu » où l’Esprit de Dieu habite (1 Co. 3 :16). [14] Selon Paul, l’habitation de Dieu sur la terre n’est plus conçue comme un bâtiment sacré et séparé du monde, mais comme un peuple, le « laos », l’ensemble des croyants. [15] En effet, le Nouveau Testament ne connaît pas de classe de prêtres en contraste avec les laïcs. Dieu donne à son peuple, c’est-à-dire à tous les croyants, l’ordre d’offrir des sacrifices spirituels, individuellement et collectivement. [16]

Les croyants du Nouveau Testament sont les successeurs au sacerdoce de l’ancien Israël, ayant reçu le droit d’accès immédiat à Dieu, par Jésus-Christ. [17] Le sacerdoce lévitique a donc trouvé son accomplissement dans les croyants du Nouveau Testament, par Christ. En outre, le ministère de l’Eglise a remplacé l’ancien sacerdoce. [18] Donc, dans le Nouveau Testament, tous les croyants en Christ sont prêtres (Ro. 12:1 ; Ph. 2:17 ; 4:18 ; Hé. 13:15, 16 ; Ap. 1:5).

 

Conceptions théologiques des termes « clergé » et « laïcs »

Les termes « laos » et « kleros » sont importants pour l’étude du sacerdoce des croyants. Etymologiquement, le mot grec « laos » signifie « un peuple comme possession », c’est à dire, par rapport à Dieu. [19] Le terme n’indique pas des gens « communs », sans formation, mais il s’applique spécialement à tout le peuple de Dieu (Ac. 15:14 ; Ro. 9:25 ; 1 Pi. 2:9). De l’autre côté, le mot grec « laikos », signifiant « les laïcs » n’apparaît pas dans la Bible. [20]

Dans le Nouveau Testament, il y a un seul peuple appelé au ministère, dont les dirigeants sont eux aussi membres du « laos ». [21] Les dirigeants se distinguent par leur attitude de serviteur. L’exercice des dons spirituels prépare le peuple de Dieu au ministère (Ep. 4 :11-12). [22] Evidemment, les titres d’honneur traditionnels attribués à Israël, dans l’Ancien Testament, comme «laos, le peuple de Dieu », s’appliquent alors, sans restriction et sans distinction, à la communauté des croyants du Nouveau Testament. [23] Le transfert d’un tel titre d’Israël aux croyants du Nouveau Testament est l’accomplissement de la prophétie de l’Ancien Testament. [24] Tout le système sacerdotal de l’Ancien Testament servait de type. C’était l’ombre du corps de Christ dans le Nouveau Testament. Les prêtres de l’Ancien Testament préfiguraient tous le grand Prêtre qui a offert « un seul sacrifice pour les péchés de tous » (Hé. 10:10-12). Par conséquent, le système sacerdotal de l’Ancien Testament n’existe plus. Le terme « prêtre » s’applique maintenant à tous les croyants, mais le concept de prêtre n’implique aucune fonction sacerdotale. [25]

Le mot « clergé », dérivé du grec « kleros » et signifiant « lot », « portion », ou « héritage », a besoin de notre attention. En 1 Pierre 5:3, le terme au pluriel signifie la communauté assignée à chaque presbytre. [26] Cela indique que le terme parle d’une fonction, et non d’un rang ou d’une position hiérarchique. Le soi-disant « clergé » recevait une « portion » spéciale du travail appartenant à tout le peuple de Dieu. [27] Le terme « clergé » n’indique donc pas une position spéciale dans le corps de Christ.

L’emploi néotestamentaire du mot « hiereus » se rapporte à la fonction de « prêtre » dans l’Ancien Testament (par exemple, Hé. 10:11). Il indique une personne consacrée, mise à part pour le service de Dieu. Dans le Nouveau Testament, le terme « presbyteros » se rapporte à la fonction d’« ancien », à qui la direction est confiée (par exemple, 1 Pi. 5:1). [28] A cet égard, l’Eglise base la fonction chrétienne de « prêtre », non sur le sacerdoce du temple (hierateia) de l’Ancien Testament, mais sur la fonction des presbytres (presbyterion) du Nouveau Testament. Pierre s’appelle en effet « ancien, comme les autres », et non prêtre. [29] Le mot « kleros » ne désigne pas un groupe particulier, une élite dans l’Eglise. Tous les croyants font partie du sacerdoce. [30] Au sens strict, le soi-disant « clergé » fait partie du « laos » qui est au service de la communauté des croyants même. [31] Le Nouveau Testament maintient l’autorité stricte des dirigeants, mais il n’y a pas de distinction de classe entre dirigeants et laïcs. La différence se trouve dans les fonctions ministérielles.

Par exemple, apôtre, prophète, évangéliste, enseignant, etc. (Ro. 12 ; 1 Co. 12 ; Ep. 4). [32] Néanmoins, la position de sacerdoce de tous les croyants, comme individus et comme communauté, demeure.

 

Le « sacerdoce de tous les croyants » pendant l’époque de la Réforme

Au temps de la Réforme, le concept du sacerdoce de tous les croyants était un sujet controversé dans l’Eglise institutionnelle. L’époque de la Réforme fournit un cadre pour l’étude du concept du sacerdoce de tous les croyants. Dans les prochaines pages, il suivra une explication de la manière dont Martin Luther et Jean Calvin ont formulé la doctrine du sacerdoce de tous les croyants.

 

Circonstances historiques menant au déclenchement de la Réforme

Les débats théologiques sur la position et le rôle des laïcs ont certainement contribué au déclenchement de la Réforme. [33] A travers les siècles, la hiérarchie Catholique Romaine et d’autres courants religieux faisaient une distinction nette entre le clergé et les laïcs. Une telle distinction est inconnue dans l’Eglise primitive, [34] où l’origine de toute autorité du ministère se trouve dans le Seigneur ressuscité. Les croyants partagent le même ministère et en dépendent. [35] Déjà au premier siècle (95 A.D.), Clément de Rome est mentionné dans des documents historiques comme le premier à établir une nette distinction entre le clergé et les laïcs. {36] Cette distinction a contribué de manière décisive à la création d’une hiérarchie structurelle du clergé. [37] Un autre fait qui a renforcé cette hiérarchie structurelle est le sacrement de l’ordination. L’imposition du sacrement de l’ordination par l’Eglise de Rome aboutit à une nette séparation entre le clergé et les laïcs et à la domination évidente du clergé sur les laïcs. [38].

Au début de la Réforme, l’Eglise institutionnelle voulait donc déjà deux grands camps distingués dans la communauté des croyants : le clergé et les laïcs. L’histoire montre que l’autorité dans le ministère et la direction appartiennent au clergé. [39] En principe comme en pratique, la position des laïcs les soumet non seulement aux prêtres, mais elle agrandit l’écart entre le clergé et les laïcs. Cet écart se traduit par les mots « sacré » et « profane ». [40]

Richard Norton tient qu’au cœur du contexte historique de la Réforme se trouvait le clergé. Il explique que sans le clergé officiellement ordonné, il n’y aurait pas eu d’Eglise. [41] L’Eglise existait grâce aux ecclésiastiques hiérarchisés, malgré leur immoralité, leur corruption et leur pauvreté spirituelle. [42] Au début de la Réforme, l’Eglise existait donc, même sans la participation des laïcs. Par conséquent, la Réforme était une réaction à ces conditions de l’Eglise institutionnelle. [43]

Dans ce contexte historique, deux personnes qui défendaient l’enseignement biblique sur le sacerdoce de tous les croyants ont pris de l’importance, à savoir, Martin Luther et Jean Calvin.

 

Martin Luther sur le sacerdoce de tous les croyants

La formulation du concept par Luther

Pendant la Réforme, et même avant, par les efforts réformateurs dans les mouvements conciliatoires, Martin Luther sonnait une cloche qui suscitait de nouveaux réveils religieux. Kreamer affirme qu’il s’agissait là surtout d’un mouvement de laïcs. [44] Luther se séparait théologiquement de l’Eglise institutionnelle par l’opinion que chaque membre baptisé a le droit de se regarder comme prêtre ordonné. Ce principe exprime le concept du sacerdoce de tous les croyants. [45] A côté de la théologie de Luther de « sola gratia, sola scriptura, et sola fides », le sacerdoce de tous les croyants était prêché comme le grand principe officiel de la Réforme. [46]

John Owen remarque que Luther avait découvert le concept du sacerdoce de tous les croyants, après avoir été convaincu que par et en Jésus-Christ le croyant possède la justice de Dieu. [47] James Atkinson souligne aussi que pour Luther les croyants ont droit à un accès immédiat auprès de Dieu, sans la médiation d’un arrogant clérgé catholique. [48]

Donc, tous les croyants qui sont revêtus de la justice parfaite de Dieu sont les bienvenus dans la présence de Dieu. [49]

Luther maintenait que la position de sacerdoce de tous ceux qui croient en Christ est essentiellement liée à l’enseignement biblique sur la grâce et le salut pour tous, à travers la foi. [50] Luther soulignait que les croyants ont tous un même baptême, un évangile, une foi, et ils sont tous chrétiens. Le baptême, l’évangile et la foi, cela seul produit des chrétiens spirituels. [51] Evidemment pour Luther, c’est la foi qui rend les hommes prêtres et c’est la foi qui les unit à Christ. De même, c’est la foi qui fait des croyants une habitation du Saint-Esprit, qui les remplit de grâce et de puissance divine. [52] Par conséquent, l’accent que Luther plaçait sur la foi, attaque les bases du sacerdoce catholique. [53] Luther renforçait sa position théologique en affirmant que les œuvres des prêtres et des membres des ordres religieux ne sont nullement plus saintes aux yeux de Dieu, que les œuvres d’un paysan dans son champ, ou celles d’une femme de ménage. [54] Il est évident que, pour Luther, la vocation d’un croyant, quelle qu’elle soit, est aux yeux de Dieu aussi sainte que la vocation d’un prêtre catholique.

La hiérarchie sacerdotale catholique refusait aux laïcs leurs pleins droits et leur responsabilité de fonctionner comme les rachetés de Dieu. [55] Sur la base de son ordination, le prêtre catholique assume lui seul le privilège de médiation entre le croyant et Dieu et se regarde comme le seul dispensateur de la grâce de Dieu. [56]

Au contraire, Luther affirmait quune telle ordination était l’invention de l’Eglise de Rome. Selon lui, ce n’est pas qu’il fallait rejeter le rite de l’ordination, pratiqué depuis des siècles, mais Luther croyait que l’ordination était simplement une cérémonie pour choisir des prédicateurs dans l’Eglise. [57] Luther soulignait pourtant, que tous les chrétiens sont prêtres. Latourette ajoute à l’affirmation de Luther, que ce que l’Eglise appelle le sacerdoce n’est qu’un ministère confié à ceux qui l’exercent. De plus, l’exercice d’un tel ministère exige l’accord de l’assemblée de croyants. [58]

De même, le principe de Luther de la « justification du pécheur par la foi », appelant le saint un pécheur et le pécheur un saint, contredit essentiellement le principe du sacerdoce hiérarchique. [59]

Au fond, le principe de la justification par la foi détruisait en théorie le pouvoir du prêtre. Dans le domaine de la religion, le « sola fides » de Luther était pris comme base de la doctrine du sacerdoce de tous les croyants, et dans le domaine sociopolitique, comme base du principe démocratique de l’égalité de tous les citoyens. [60]

Une des erreurs particulières combattues par Luther était l’idée, que l’homme puisse obtenir la grâce et le salut de Dieu en servant Dieu par de bonnes œuvres. Par conséquent, dans l’Eglise institutionnelle, l’importance de la foi était diminuée, au point que les gens préféraient doter des églises ou devenir prêtre, moine ou sœur religieuse, au lieu de simplement croire à l’Evangile. [61]

Wilhelm Pauck tient que Luther a formulé le concept du sacerdoce de tous les croyants, fermement convaincu que chaque croyant est prêtre, et que tous les chrétiens sont ministres et prêtres, grâce à leur foi dans la Parole de Dieu. Ce concept contredit l’accent sur les bonnes œuvres, en vue d’obtenir le pardon et le salut. Aussi était-ce une attaque directe contre la distinction entre prêtres et laïcs. [62]

Selon Luther, le concept du sacerdoce signifie que chaque croyant possède le pouvoir de pardonner des péchés, d’administrer des sacrements et de faire tout ce qu’un prêtre peut faire. Pour Luther, cela veut dire que le croyant possède tous les pouvoirs spirituels qui, dans l’Eglise Catholique, appartenaient seulement au pape, aux évêques, aux prêtres et aux moines. [63]

Gordon Rupp traduit en anglais le résumé de l’Allemand Brunotte de la formulation de Luther du concept du « sacerdoce de tous les croyants ». Rupp écrit :

  1. Devant Dieu, tous les chrétiens ont la même position, un sacerdoce dans lequel nous entrons par le baptême.

  2. En tant que frère de Christ, chaque chrétien est prêtre et n’a pas besoin de médiateur, sauf Christ. Il a libre accès à la Parole de Dieu.

  3. Chaque chrétien est prêtre avec la fonction de sacrifier, non dans une messe, mais en se consacrant soi-même à la louange, à l’obéissance à Dieu, et à porter la croix.

  4. Chaque chrétien est responsable de partager avec d’autres l’Evangile qu’il a reçu lui-même. [64]

Selon le résumé ci-dessus, Luther pensait que le sacerdoce spirituel est évidemment une position et une vocation de chaque croyant en Christ. [65]

 

Ce résumé souligne encore la théologie de Luther, affirmant que chaque croyant en Christ est prêtre par position. [66] Cyril Eastwood remarque : «A moins de regarder notre sacerdoce comme une position et comme une vocation, sa signification est perdue. » [67] Cependant pour Luther, le « sacerdoce de tous les croyants » ne voulait pas dire : « Je suis mon propre prêtre ». [68] Luther soulignait plutôt que dans la communauté des saints, Dieu a voulu que les croyants soient tous prêtres les uns pour les autres. Tous les croyants se trouvent devant la face de Dieu et intercèdent les uns pour les autres, proclament la Parole de Dieu l’un à l’autre, et célèbrent la présence de Dieu parmi les croyants, par l’adoration, la louange, et la communion. [69]

 

La conception du sacerdoce de Luther souligne que le ministère de prêtre ne s’arrête pas au croyant lui-même. La position de prêtre pousse les croyants à aller dans le monde pour servir, témoigner, et manifester « les vertus de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 Pi. 2 :9). [70]

 

Jean Calvin sur le sacerdoce de tous les croyants

Jean Calvin a rarement employé le terme exact de « sacerdoce de tous les croyants », mais dans sa théologie du ministère, on peut reconnaître le même accent, dans l’idée de la vocation et de la nécessité d’offrir des sacrifices spirituels. [71] Il est pourtant évident que, pour Calvin, le sacerdoce du croyant est un privilège qui découle directement de la mort de Christ. [72] Il croyait que, par la mort de Christ, les croyants sont justifiés et dignes de vocation au ministère du sacerdoce. [73]

 

Dans son Institution Chrétienne, Calvin affirme que Christ exerce actuellement la fonction de prêtre. [74] Par le fait éternel de la réconciliation, Jésus-Christ rend le Père favorable aux croyants et admet les croyants dans l’alliance honorable du sacerdoce. [75] Calvin affirme que les croyants, bien que corrompus en eux-mêmes, mais étant prêtres en Christ (Ap. 1 :6), s’offrent eux-mêmes à Dieu et entrent librement dans le sanctuaire céleste. En Christ, les sacrifices d’intercession et de louange sont acceptables devant Dieu. [76] Pour Calvin, tous les chrétiens sont appelés « un sacerdoce royal », parce que, à travers Christ, les croyants offrent ce sacrifice de louange. Calvin ajoute que, à travers Christ, les croyants participent à la fonction de sacrificateur. Il se base sur les versets de 1 Pierre 2:9 et d’Hébreux 13:15, qui parlent du fruit des lèvres qui confessent son nom. [77] Par cette affirmation, Calvin rejette la possibilité d’un sacrifice expiatoire qui serait offert par un sacerdoce quelconque, inclus celui de l’Eglise établie. [78] C’est pourquoi il est évident, qu’au sujet du sacerdoce, la théologie de Calvin se sépare radicalement de l’enseignement de l’Eglise institutionnelle.

 

Calvin souligne que Christ est le Médiateur et que, à travers l’œuvre de Christ, les croyants offrent des sacrifices au Père. [79] Pour Calvin, Christ est le Souverain Sacrificateur qui, après être entré dans le sanctuaire céleste, y donne accès aux croyants. En outre, Christ est l’autel sur lequel les croyants déposent leurs dons. Tout ce que les croyants tentent de faire, ils peuvent le faire en Christ, car Il nous a fait « rois et prêtres pour Dieu, son Père » (Ap. 1 :6). [80] Calvin continue à souligner que chaque chrétien est mandaté de représenter Christ, dans son effort d’atteindre et de sauver le monde. Par conséquent, pour Calvin, ce mandat n’est pas un droit sur lequel les croyants peuvent se reposer. C’est une commission qui envoie des croyants dans le monde, afin d’exercer un ministère sacerdotal, non seulement envers la communauté chrétienne, mais aussi envers d’autres. Un tel ministère sacerdotal ne s’exerce pas à la place de Christ, mais pour Christ et sur son ordre. [81]

 

Le sacerdoce de tous les croyants, selon Calvin, n’est pas seulement un privilège spirituel. C’est aussi le devoir moral et la vocation personnelle de chaque croyant. Selon Calvin, l’Eglise tout entière est un sacerdoce, non seulement les soi-disant ministres ordonnés. [82] Il montre que les paroles de Pierre : « Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis » (1 Pi. 2:9) étaient données à l’Eglise entière. Cependant, le sacerdoce catholique enseigne, que ces paroles étaient adressées seulement à eux, et qu’ils étaient, eux seuls, rachetés par le sang de Christ, qu’eux seuls, étaient faits, par Christ, rois et prêtres pour Dieu. [83] Son effort de montrer aux laïcs la réalité de leur élection était le résultat du « sacerdoce universel des croyants». [84] Il croyait que dans le sacerdoce de Christ, les croyants sont reçus par Dieu, dans la fonction de prêtre. [85] Calvin était d’accord avec d’autres dirigeants du début de l’époque de la Réforme, concernant les enseignements théologiques fondamentaux. Ces enseignements incluent la supériorité de la foi, par rapport aux bonnes œuvres, la Bible comme la base de tout enseignement chrétien, et le sacerdoce universel de tous les croyants. [86]

 

En résumé, la conception de Calvin du sacerdoce universel souligne que tous les croyants sont considérés comme prêtres. [87] Il semble que cette conception était la réaction de Calvin à l’Eglise Catholique Romaine qui imposait des rangs différents parmi les prêtres. Cette hiérarchie de prêtres créait une séparation entre clergé et laïcs. La vision théologique de Calvin souligne qu’il ne faut pas considérer le sacerdoce de tous les croyants comme un petit sentier, mais comme une route très fréquentée par tous les croyants. Selon lui, le sacerdoce universel découle du sacerdoce de Christ. [88] Le ministère du sacerdoce appartient à toute l’Eglise. [89] Le concept du sacerdoce universel trouve son expression dans l’adoration, l’intercession, le témoignage, et dans le service rendu à la communauté. [90]

 

Selon l’enseignement de Calvin, le sacerdoce de tous les croyants demande la participation de toute la communauté au ministère de Christ. Confesser le nom de Christ devant d’autres, c’est la tâche prophétique du croyant. Prier pour leur salut, c’est la tâche du prêtre. Faire des disciples, c’est la tâche royale des croyants. Evidemment, la conception de Calvin du sacerdoce universel fournit au ministère une base théologique. En outre, sa formulation du concept encourage chaque membre du corps de Christ à participer au ministère. [91]

 

Cohérence théologique de Luther et de Calvin, quant au sacerdoce de tous les croyants

Pour Calvin, Christ, étant Souverain Sacrificateur, est le point de repère pour le sacerdoce universel des croyants. C’est par le sacerdoce de Christ que les croyants sont rendus prêtres. Ainsi, Calvin insiste clairement sur ce que le sacerdoce du croyant dépend du sacerdoce de Christ. [92] De l’autre côté, Luther base le concept du sacerdoce de tous les croyants sur la théologie de la grâce et du salut par la foi. Pour Luther, les croyants ont un baptême, un Evangile, et une même foi. C’est seulement par le baptême, l’Evangile et la foi que les croyants deviennent prêtres. Ainsi, le sacerdoce de tous les croyants est rendu possible, par le don de la grâce et du salut pour tous, par la foi. [93]

Calvin et Luther ont, tous les deux, mis l’accent sur le ministère du clergé. Ils le considéraient comme un « ministère spécial », comme celui des laïcs, basé sur les dons que le Saint-Esprit donne librement à tous les chrétiens. Ce qui importe n’est pas que les laïcs soient exclus du privilège de prêcher et d’administrer les sacrements, mais plutôt, que l’Eglise puisse remplir ces fonctions d’une manière ordonnée. [94] Des ministres étaient mis à part pour servir l’Eglise, non comme étant au-dessus de la congrégation, mais dans le cadre du sacerdoce universel. [95]

Calvin soulignait l’importance de la communauté dans les affaires de la foi et de la pratique. Il se réalisait que le jugement individuel non contrôlé mène au subjectivisme, à l’excentricité, à l’anarchie et au chaos. C’est pourquoi, les croyants ne doivent pas dévaloriser le sacerdoce universel en l’égalisant à l’individualisme moderne, ou au minimalisme théologique. [96]

De la même manière, le concept formulé par Luther met aussi l’accent sur la communauté des saints. Pour Luther, des croyants individuels ne peuvent pas être leur propre prêtre, mais ils sont prêtres les uns des autres. C’est pourquoi selon Luther, le concept du sacerdoce de tous les croyants ne s’arrête pas à l’individu. [97] L’accent sur la communauté des saints est un élément essentiel du concept du sacerdoce universel comme formulé par Luther et Calvin. Cyril Eastwood remarque que l’emploi de l’expression « sacerdoce des croyants », comme étant synonyme de « jugement privé », est certainement une déformation très regrettable. « Le jugement privé » est toujours contrôlé, vérifié et confirmé par le témoignage de toute la congrégation. [98] De l’autre côté, Grenz remarque que la conception de Luther met en relief une expérience personnelle avec Dieu. [99] Ceci semble contredire la remarque précédente d’Eastwood. Pourtant, Grenz souligne aussi que l’identité individuelle de chaque personne consistait en fonctionnant, en contribuant au groupe, et en tirant son identité de ce groupe. [100] Selon Luther et de Calvin, le contexte de la communauté chrétienne reste donc important.

Luther et Calvin ont fait preuve de cohérence, dans leurs formulations théologiques, que la communauté des croyants est un sacerdoce. Ce sacerdoce diffère essentiellement du cléricalisme hiérarchique de l’Eglise Catholique. Le sacerdoce des croyants est une fonction et un privilège spirituel. C’est aussi un devoir moral et une vocation personnelle que chaque croyant doit remplir. [101] Selon la formulation du concept par Luther et Calvin, tous les chrétiens ont la même vocation et position spirituelle. Chaque croyant est incorporé dans le sacerdoce par le baptême. Les croyants ont accès immédiat à Dieu et n’ont pas besoin de médiateurs, sauf Christ. Les croyants ont la fonction de sacrificateur qui s’exprime par leur consécration personnelle, dans l’obéissance à Christ.

C’est pourquoi, tous les croyants ont les mêmes privilèges et responsabilités comme le peuple racheté de Dieu. De tels privilèges et responsabilités étaient auparavant regardés comme la propriété exclusive du sacerdoce hiérarchique. Ces enseignements étaient combattus par les principaux réformateurs. Pendant la Réforme, la théologie et la pratique de la religion établie ont donc, en Luther et Calvin, rencontré les critiques théologiques les plus formidables. Le concept du sacerdoce de tous les croyants est une partie précieuse et irréductible de l’héritage de la Réforme. C’est un appel au ministère et au service. C’est un critère de la qualité de vie de tous les croyants dans le corps de Christ, et de la cohérence de leur témoignage dans le monde. [102]

Stanley Grenz affirme que les réformateurs n’ont pas inventé l’idée du sacerdoce des croyants. Leur enseignement vient directement du Nouveau Testament. L’Ecriture parle de tous les croyants comme étant prêtres (1 Pi. 2:5 ; Ap.1:6 ; 5:10 ; 20:6) qui, par Christ, peuvent s’approcher du trône de la grâce (Hé. 4:15-16 ; 10:19-20). Les croyants ne doivent accepter aucune hiérarchie médiatrice exclusive parmi eux (Mt. 23:8-12 ; Mc. 10:42-44 ; 1 Ti. 2:5). Chaque croyant a le privilège et la responsabilité d’exercer des fonctions sacerdotales, comme celle d’offrir à Dieu des sacrifices spirituels (Hé. 13:15 ; Ro. 12:1 ; 1 Pi. 2:9) et d’intercéder pour les autres (1 Ti. 2:1-2 ; 2 Th. 3:1 ; Ja. 5:15). [103]

 

Le « sacerdoce de tous les croyants » à l’époque moderne

Le sacerdoce de tous les croyants, à l’époque moderne, fait partie d’une étude théologique, dans le domaine de l’ecclésiologie et celui de la communauté chrétienne universelle. Dans les pages précédentes, on a remarqué qu’à l’époque de la Réforme, il y avait des controverses autour de la position et des fonctions des laïcs. A l’époque moderne cependant, il est important de noter que les Eglises manifestent plus d’intérêt pour la position des laïcs. Dans l’histoire, les laïcs étaient marginalisés par l’Eglise. Mais, à l’époque moderne, il apparaît que leur position et leurs fonctions sont de plus en plus reconnues. [104] Par rapport au concept du sacerdoce de tous les croyants, le souci grandissant de rétablir la position et les fonctions des laïcs est un développement positif. En outre, le développement indique que l’Eglise institutionnelle, qui s’était jadis opposée au sacerdoce universel, affirme maintenant, à l’époque moderne, l’authenticité biblique du concept. Le contexte de l’ecclésiologie et celui de la communauté chrétienne universelle fournissent un cadre pour la recherche du concept, à l’époque moderne.

 

Le « sacerdoce de tous les croyants » dans le contexte de l’ecclésiologie

Des spécialistes modernes étudient le concept du « sacerdoce de tous les croyants » dans le contexte de l’ecclésiologie. Howard Snyder, par exemple, est convaincu que la théologie biblique ne peut exister sans l’ecclésiologie biblique. [105] Cela indique pourquoi, à l’époque moderne, le concept est souvent exprimé à l’intérieur d’une prémisse théologique. Timothy George soutient cette affirmation que le sacerdoce des croyants fait en réalité partie de la doctrine de l’Eglise. [106]

Comme dit avant, l’Eglise est un sacerdoce universel. Les croyants en Christ sont prêtres, et tous ont donc un ministère. Le sacerdoce universel, c’est eux qui, par la repentance et la foi, ont été acceptés dans l’alliance de la grâce et, par conséquent, ont été fait participants au ministère sacerdotal de leur Médiateur, Jésus-Christ. [107] La théologie du ministère, basée sur le sacerdoce de tous les croyants, a ses origines dans les métaphores de l’Eglise, si souvent employées à l’époque moderne : le peuple de Dieu, le corps de Christ, et le temple du Saint-Esprit. Ces métaphores expriment l’identité et l’unité de l’ensemble des croyants en Christ comme prêtres.

 

Le peuple de Dieu

L’Eglise est le peuple de Dieu. [108] Hans Küng, par exemple, affirme que tous les croyants, fondamentalement sur un pied d’égalité, constituent l’Eglise et sont membres du peuple de Dieu. [109] Selon Küng, le peuple de Dieu tout entier doit être un sacerdoce, appartenant à Christ et partageant sa dignité. Küng souligne que tous les croyants en Christ, de toutes les nations, appartiennent maintenant au peuple sacerdotal de Dieu. [110]

L’adhésion au peuple de Dieu va plus loin qu’un groupe ethnique particulier. Les croyants en Christ du monde entier sont appelés à appartenir à Dieu. C’est pourquoi l’Eglise, comme peuple de Dieu, est une communauté internationale composée de membres venant de « toute tribu, de toute langue, de tout peuple, et de toute nation » (Ap. 5:9). [111]

A l’époque moderne, les théologiens se soucient de l’unité visible de l’Eglise. Mais, l’adhésion à l’Eglise, le corps de Christ, et non l’adhésion à l’une ou l’autre dénomination, constitue l’identité fondamentale du peuple de Dieu. [112] L’appartenance au « peuple de Dieu » n’est pas le résultat d’un effort d’être accepté, mais elle est le résultat d’avoir librement reçu l’amour de Dieu. [113] Snyder répète une idée similaire, disant que l’Eglise est essentiellement la communauté du peuple de Dieu. Une organisation, la foi biblique, un programme, ou des bâtiments, ce sont seulement des éléments qui composent l’Eglise. [114] Grimes considère ces éléments comme un « cadre » dans lequel se voient les fonctions modernes de l’Eglise. [115] Par la foi en Christ, les croyants deviennent le vrai peuple de Dieu. « Autrefois, vous n’étiez pas un peuple, et maintenant vous êtes le peuple de Dieu » (1 Pi. 2:10). En accord avec les affirmations tirées de l’histoire, les croyants sont regardés comme le peuple de Dieu. Indépendamment de leur race, les croyants en Christ sont devenus le peuple propre de Dieu (2 Co. 6:16-18 ; Ro. 9:6 ; 23-25). [116]

 

Le corps de Christ

L’Eglise est le corps de Christ. [117] Christ est la tête du corps. C’est pourquoi, l’Eglise lui est inconditionnellement soumise. En tant que chef, Christ doit être conçu comme la source de vie du croyant et comme celui qui fortifie tout le corps. [118] Les membres du corps de Christ sont importants et ont chacun un rôle à jouer. Donc, chaque croyant est important, pas seulement quelques membres spécialement distingués.

Sur la base de leur égalité fondamentale, tous les membres possèdent la même dignité, ainsi que des fonctions. [119] Grâce à la connaissance et à l’expérience de Jésus, chaque croyant est placé dans le corps de Christ, l’Eglise. Grâce au sacerdoce de Christ, l’Eglise elle-même est devenue un sacerdoce. Le sacerdoce de Jésus-Christ a été élargi pour inclure tous les croyants. Chaque croyant dans l’Eglise, tout le peuple de Dieu, appartient au sacerdoce. [120] Winston Pearce affirme que chacun, qui a volontairement cru en Christ, est incorporé dans le corps de Christ, dans le sacerdoce. [121] De même, Grenz tient que le ministère du sacerdoce appartient à tous. Comme membre du corps de Christ, chacun a conclu une alliance avec la tête, en acceptant les bienfaits et les obligations. [122]

Chaque croyant a des fonctions claires et irremplaçables dans la totalité du corps. Ceci indique une sorte de collectivisme qui combat l’impérialisme de l’Eglise. L’Eglise ne peut donc pas être conçue comme étant constituée de quelques membres élitistes. Comme membre du corps de Christ, chacun est important. Il n’y a pas de première et deuxième catégories de membres dans le corps de Christ. [123]

Les croyants sont unis avec Christ comme tête du corps (Col. 2:18-19). En tant que corps de Christ, les croyants sont aussi en rapport les uns avec les autres (1 Co. 12:12). De plus, chaque croyant contribue quelque chose aux autres (Ep. 4:14-16 ; Ga. 6:2). C’est pourquoi, les croyants en Christ sont un ensemble unifié et universel. L’adhésion à cet ensemble exclue des qualifications de race ou de nationalité (Col. 3 :11). [124]

Les spécialistes modernes citent plusieurs versets bibliques soulignant que l’Eglise est le corps de Christ. De tels textes incluent 1 Corinthiens 12:13 parlant « d’un seul corps ». Ephésiens 2:16 et 4:4, en parlant « d’un seul corps », fait expressément allusion au « corps de Christ ». 1 Corinthiens 12:27 et Ephésiens 4:12 confirment davantage cette idée. Louis Berkhof regarde même cette métaphore comme une définition complète de l’Eglise. [125]

 

Le temple de l’Esprit

L’Eglise est le temple du Saint-Esprit. [126] Cette métaphore souligne que le corps des croyants est devenu un temple de Dieu, parce que l’Esprit de Dieu habite en eux. Comme un temple de Dieu, le croyant est saint ; il, ou elle, appartient à Dieu. Le peuple de Dieu, comme corps unifié, est une maison spirituelle (1 Pi. 2:5 ; Ep. 2:22) et une habitation du Saint-Esprit (1 Co. 3:16 ; 6:19). [127]

Dieu est en train de construire un saint temple de dimensions universelles, comme habitation du Saint-Esprit. Etant une maison spirituelle, l’Eglise souligne le caractère du peuple de Dieu : un saint sacerdoce. [128] Comme temple du Saint-Esprit, les croyants sont conduits, enseignés, et soutenus directement par le Saint-Esprit, sans autre médiation.

Le Saint-Esprit était donné, non seulement à quelques uns, mais à toute la communauté sacerdotale. Le peuple tout entier, rempli du Saint-Esprit, est un sacerdoce. Le Saint-Esprit vivifie et fortifie le temple, à travers des croyants individuels. [129] Grenz conclut que la présence de Dieu n’est plus concentrée dans un bâtiment spécial, mais dans l’assemblée de son peuple. [130] L’Eglise est habitée par le Saint-Esprit, les croyants individuels comme le corps tout entier. [131] Ce n’est plus le bâtiment qui est regardé comme la maison de Dieu, mais les croyants en Christ. Le bâtiment, bien qu’important, n’est plus appelé « un lieu sacré », c’est plutôt les croyants, qui sont appelés à être un peuple saint. Dieu veut habiter dans son peuple, justement appelé le temple du Saint-Esprit (1 Co. 3:16). [132] Les trois métaphores, présentées ci-dessus, mettent l’accent sur un corps unifié de croyants qui appartiennent à Dieu, et qui en tant que prêtres, possèdent une même position, dignité, et responsabilité. Les trois métaphores définissent donc le concept du sacerdoce des croyants, à l’époque moderne. De plus, ces métaphores décrivent l’identité et l’unité des croyants en Christ, sans aucune trace de distinction hiérarchique. Donc, à l’époque moderne, le concept du sacerdoce de tous les croyants est confirmé, dans le contexte de l’ecclésiologie.

 

Le « sacerdoce de tous les chrétiens » dans le contexte de la communauté chrétienne universelle

Le concept du sacerdoce de tous les croyants est évident dans le contexte de la communauté chrétienne universelle. En localisant le sacerdoce des croyants dans le contexte de la communauté chrétienne universelle, les catégories suivantes sont employées : l’identité unifiée, la responsabilité commune, l’applicabilité mondiale, la viabilité ministérielle et la diversité méthodologique.

L’identité unifiée

Comme souligné avant, l’identité des croyants est exprimée dans l’Ecriture comme « le peuple de Dieu » et « un sacerdoce royal ». Ceci est une identité unifiée qui parle de la communauté entière des croyants, et qui indique l’absence d’une dichotomie dans le corps. [133] Le caractère distinctif biblique des croyants, affirmé à travers l’histoire, reste normatif, à l’époque moderne. [134]

L’image des croyants en Christ n’est pas celle de deux groupes séparés—le « clergé professionnel » et les « laïcs ordinaires », mais plutôt celle d’un seul peuple de Dieu. La dichotomie « clergé-laïcs » était un développement indésirable dans l’histoire de l’Eglise. Il a marqué une déviation de la fidélité à la Bible. [135] L’affirmation de l’identité des croyants comme prêtres, est essentielle pour la conception moderne de la communauté chrétienne. Cela ressemble aux formulations de Luther [136] et de Calvin [137], que l’Eglise est une assemblée de croyants qui sont prêtres, appelés de Dieu pour servir dans le monde.

L’accent est sur l’identité unifiée de la communauté chrétienne universelle. L’Importance du croyant individuel se base surtout sur le rôle de la personne, comme microcosme de l’ensemble, et comme un élément qui fonctionne dans cet ensemble. Selon cette affirmation, l’identité personnelle provient du groupe, de l’identité unifiée des croyants étant prêtres. [138]

La responsabilité commune

La vocation divine de la communauté des croyants est toujours un concept collectif. Il contient un élément très personnel, mais il n’est jamais un individualisme isolé. Chaque croyant doit fonctionner comme un élément fidèle et responsable de la communauté (Ep. 2:19 s ; Ro. 12:4). [139] Cela parle d’une implication personnelle de l’appel de Dieu, qui est adressé à l’ensemble du peuple de Dieu. Evidemment, ce qui est vrai pour l’ensemble du peuple de Dieu, en tant que communauté, est également vrai pour tous ses membres. [140] Selon cette considération, la signification de la responsabilité est réduite, quand la communauté diminue les privilèges de chaque membre. [141] De la même manière, sans insistance sur la responsabilité, l’effet du privilège est entravé.

A l’époque moderne, les chrétiens se trouvent devant la nécessité de réfléchir sur la vérité du sacerdoce de tout le peuple de Dieu. Chaque chrétien est prêtre et, par conséquent, chacun est appelé au ministère. [142] Les dons du Saint-Esprit sont donnés pour le ministère, à tout le peuple comme étant le sacerdoce de Dieu. [143]

L’autorité de baptiser est donnée à l’Eglise entière. Chaque chrétien a donc le pouvoir de baptiser. Même la célébration de la Sainte Cène est une responsabilité donnée à toute l’Eglise. Chaque chrétien est autorisé de participer activement à servir la Sainte Cène. [144]

Lawrence Richards et Gilbert Martin affirment que, le manque d’insister sur la position spirituelle et la responsabilité de chaque croyant, est une raison de l’échec de l’Eglise, en essayant d’atteindre le monde avec l’Evangile. [145]

A l’époque moderne, il est compris que chaque croyant est pasteur, serviteur et prêtre de Dieu. Chaque croyant est appelé au ministère et tout le peuple de Dieu doit être préparé pour le ministère. [146]

A l’époque moderne, le concept du sacerdoce des croyants va plus loin que l’expérience d’un privilège personnel et de la liberté. Il comprend aussi la responsabilité et l’attitude de servir. [147]

Moltmann affirme que la communauté des baptisés est le peuple appelé. Tous sont appelés et mandatés pour la vie éternelle, la gloire du royaume et la communion messianique. Tous sont chargés de vivre dans la présence messianique de cet avenir eschatologique, et d’en rendre témoignage. Il n’y a pas de divisions distinctives dans le corps des croyants, parce que l’appel de Dieu n’est pas adressé à quelques uns, mais à tous les croyants. [148] Tous les croyants ont reçu des dons. [149] Cette vérité devient spécialement claire, quand des théologiens font des recherches au sujet du concept du sacerdoce de tous les croyants. Le Nouveau Testament emploie le terme « prêtre », mais il n’implique aucune classe sacerdotale particulière. La même idée est affirmée, à l’époque moderne, par des théologiens comme, parmi d’autres, Moltmann et Erickson. [150]

L’applicabilité mondiale

A l’époque moderne, le concept du sacerdoce de tous les croyants met l’accent sur l’applicabilité mondiale. [151] A l’époque moderne, des travaux théologiques emploient des paradigmes mondialisés. Pannenberg, par exemple, affirme que chaque théologien, en accomplissant sa tâche théologique dans son contexte particulier, devrait penser à la communauté chrétienne mondiale. Le théologien doit faire attention de ne pas être pris dans la particularité de ce contexte, mais il doit exprimer ce qui est universellement vrai. [152] Alors, le concept du sacerdoce de tous les croyants est une vérité universelle, qui peut être appliquée à un contexte local. Par conséquent, à l’intérieur des dimensions différentes de la création de Dieu, chaque domaine fournit la possibilité d’appliquer le sacerdoce des croyants. Cela veut dire que les croyants ont des contributions positives à fournir à la culture, partout où ils sont placés par Dieu. [153]

De nos jours, le concept du sacerdoce universel inclut l’idée que le peuple de Dieu s’engage légitimement dans des activités culturelles. Saucy parle de l’universalité du ministère, qui manifeste la beauté et l’harmonie de la création de Dieu. [154] Ainsi, l’appel ministériel du peuple de Dieu inclut toute bonne œuvre qui glorifie Dieu.

Tous les domaines de la vie offrent de bonnes occasions de service sacré. [155] Grâce à cette conception, la distinction théorique entre « religieux » et « séculier » peut éventuellement disparaître. Cela peut se produire, lorsque des croyants de notre temps deviennent plus conscients de l’appel de Dieu, en utilisant la capacité que Dieu leur a donnée, pour servir dans leur propre sphère d’influence. Les éléments communs et personnels de l’appel de Dieu demandent à chaque croyant de réfléchir de manière théologique, à l’endroit où il se trouve, mais dans une perspective mondiale. [156]

Chaque endroit où se trouve un croyant, est un lieu de ministère. Cela veut dire que chaque activité du peuple de Dieu dans le monde, dans le domaine publique ou privé, , social ou politique, travail ou loisirs est une activité religieuse. [157] Des mouvements chrétiens modernes reconnaissent le concept d’un ministère qui implique chaque croyant dans le service de Christ, non seulement dans son église locale, mais aussi au marché et dans un contexte mondial. [158] Le ministère d’une telle communauté est accompli dans le monde. Il se passe dans la vie quotidienne des croyants, dans leur participation à une société complexe, dans leur obéissance totale dans les « affaires de ce monde », dans leur mission dans le monde. Du point de vue théologique, cela veut dire que la participation des croyants dépasse le cadre de l’église locale. [159] Comme dit avant, le concept est universel, mais l’application du concept peut être locale.

Viabilité ministérielle

L’Eglise Catholique Romaine maintient la distinction hiérarchique entre ordonné et non ordonné, en accord avec sa théologie de la succession apostolique. [160] Elle rejette la conception que l’ordination sacramentelle est arrivée plus tard dans l’histoire, ce qui pourrait mener à la conclusion protestante qu’une telle ordination n’était que culturelle. [161]

Le concept de l’ordination sacramentelle dans l’Eglise de Rome maintient la distinction hiérarchique entre le clergé et les laïcs. [162] Les évangéliques combattent l’idée de l’ordination sacramentelle dans la succession apostolique et une classe sacerdotale à part, avec des titres qui suggèrent de l’élitisme. [163] A l’époque moderne, des titres comme « Révérend » ou « Clergé » et d’autres, sont toujours employés. Ils continuent à faire allusion à la distinction traditionnelle hiérarchique dont des traces se retrouvent même chez les évangéliques modernes. [164]

Jon Zens propose de soumettre l’emploi de ces titres à une investigation théologique, parce qu’ils ont tendance de renforcer des modèles non bibliques. [165] Ces titres semblent difficiles à éviter parce qu’ils sont enracinés dans la culture. Quand-même, suivant la suggestion de Jon Zens, il faut faire un effort conscient. [166] Continuer à employer de tels titres, cela empêche, dans une certaine mesure, les croyants d’affirmer leur position de prêtre. [167] Selon le Nouveau Testament, il est évident que les dirigeants prennent soin de l’assemblée des croyants. [168] D’après cet exemple, les dirigeants servent de catalyseur, en réponse à l’appel divin au ministère. Ils suivent l’exemple de Christ, en acceptant le rôle de serviteur qui conduit le peuple (laos) à la maturité spirituelle et prépare les membres au ministère. [169] Le peuple de Dieu, de son côté, doit préparer d’autres. Ainsi, le travail continue jusqu’à ce que Christ revient. [170]

Moltmann remarque que ceux qui font partie de la direction du ministère, doivent résister à la tendance de rendre le ministère toujours plus professionnel, et il insiste que le service du peuple de Dieu soit partagé par tous. [171] Cette suggestion affirme que tous les croyants sont appelés au ministère comme membres d’un seul corps, ayant la même position et la même responsabilité. [172] Le concept transmet donc l’idée de la viabilité ministérielle lorsque les dirigeants et tous les autres affirment leur vocation et acceptent leurs dons spirituels.